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Chères consœurs et chers confrères,

 

Jean Luiggi que nous avons intégré à l’honorariat avait préparé une conférence  intitulée «  Les  dix jours de Jeanne la Pucelle devant Orléans ».

Son état de santé ne lui a pas permis de la  prononcer en séance publique… Il vient de nous la céder je l’en ai remercié vivement en notre nom à tous,  et nous la mettons sur notre site afin de la partager.

Bonne lecture…

 

Robert. 

 

Les dix jours de Jeanne la Pucelle devant Orléans

(29 avril – 8 mai 1429)

Nous sommes en avril 1429, Jean, le Bâtard d’Orléans, qui portera le titre de comte de Dunois, est enfermé dans la ville d’Orléans. Voilà plusieurs mois que la ville est assiègée par les Anglais. Les habitants se sentent abandonnés. Il a été écrit : « Les habitants  et citoyens se trouvaient pressés en telle nécessité par les ennemis qui assiégeaient qu’ils ne savaient à qui recourir pour avoir un remède si ce n’est Dieu. »

Et Dieu va les entendre et leur envoyer un sauveur.

« Ne disait-on pas qu’une jeune fille s’était rendue auprès du Roi de France pour lui recouvrer son royaume ?»

Le bâtard d’Orléans a entendu parler d’elle et il est décidé d’envoyer chercher des informations lui précisant la réalité de cette nouvelle.

Voilà ce qu’il en a dit :

« J’étais à Orléans alors assiégé par les Anglais quand circulent certaines rumeurs selon lesquelles avait passé dans la ville de Gien une jeune fille dite : “La Pucelle ” assurant qu’elle se rendait auprès du noble dauphin pour lever le siège d’Orléans et pour conduire le dauphin à Reims pour qu’il fût sacré. Comme j’avais la garde de la cité, étant lieutenant-général sur le fait de la guerre, pour plus amples informations sur le fait de cette pucelle, j’ai envoyé auprès du roi le sire de Villars, sénéchal de Beaucaire et Jamet du Tillay qui fut par la suite bailli de Vermandois. Au retour de leur mission auprès du roi, ils m’ont raconté et ont dit en public, en présence de tout le peuple d’Orléans qui désirait beaucoup savoir la vérité sur la venue de cette pucelle, qu’eux-mêmes avaient vu ladite pucelle arriver auprès du roi dans la ville de Chinon. Ils disaient aussi que le roi, au premier abord, ne voulut pas la recevoir, mais qu’elle demeura l’espace de deux jours, attendant qu’on lui permît d’approcher de la personne royale. Bien qu’elle ait dit et répété qu’elle venait pour lever le siège d’Orléans et pour conduire le noble dauphin à Reims afin qu’il fût consacré et qu’elle réclamât instamment une compagnie d’hommes, des chevaux et des armes. »

« Passé l’espace de trois semaines ou un mois, temps pendant lequel le roi avait ordonné que la Pucelle fût examinée par des clercs, des prélats et des docteurs en théologie sur ses faits et ses dits afin de savoir s’il pouvait la recevoir en toute sécurité, le roi fit rassembler une multitude d’hommes d’armes pour faire entrer des vivres dans la cité d’Orléans. Mais, ayant recueilli l’opinion des prélats et docteurs – à savoir qu’il n’y avait rien de mal dans cette pucelle – il envoya en compagnie du seigneur archevêque de Reims, alors chancelier de France (Regnault de Chartres), et du seigneur de Gaucourt à présent grand maître de l’Hôtel du Roi, à la ville de Blois dans lequel étaient venus ceux qui conduisaient le convoi de vivres, à savoir les seigneurs de Rais et de Boussac, maréchal de France, avec lequel étaient les seigneurs de Culant, amiral de France, La Hire et le seigenur Ambroise de Lori, depuis prévôt de Paris, qui tous ensemble, avec les soldats escortant le convoi de vivres et Jeanne la Pucelle, vinrent du côté de la Sologne, en armée rangée jusqu’à la rivière de Loire, tout droit et jusqu’à l’Église Saint-Loup dans laquelle étaient de nombreuses forces anglaises. »

Et Jean, le bâtard d’Orléans, va se trouver en présence de la Pucelle. Comment la vit-il ? Nous avons quelques détails sur son physique, que Perceval de Boulainvillers décrivit dans une lettre qu’il adressa au duc de Milan, Philippe Marc Visconti. «  Cette Pucelle est d’un élégance certaine ; elle a une attitude virile, parle peu, montre une admirable prudence dans toutes ses paroles. Elle a une voix de femme gracieuse, mange peu et boit fort peu de vin. Elle se plait à cheval et à porter une belle armure (…) Elle a le visage gai. »

Pourtant, la rencontre avec Dunois ne va pas être des plus cordiales. « Êtes-vous le bâtard d’Orléans ? » lui demanda Jeanne. « Oui, je le suis et je me réjouis de votre arrivée. » Elle est venue pour se battre contre l’Anglais et rapidement le lui fait savoir. « Est-ce vous qui avez donné le conseil que je vienne ici, de ce côté du fleuve et que je n’aille pas du côté droit, là où sont Talbot et les Anglais ? » La Pucelle veut se battre. Elle aime chevaucher, se mêler aux soldats. Les hommes d’armes l’accueillent favorablement et la respectent. Certains, tel Gobert Thibault, écuyer du roi, l’a remarqué : « Dans l’armée, elle était toujours avec les soldats et j’ai entendu dire par plusieurs des familiers de Jeanne que jamais ils n’avaient eu désir d’elle. C’est-à-dire que parfois, ils en avaient volonté charnelle, cependant jamais n’osèrent s’y laisser aller et ils croyaient qu’il n’était pas possible de la vouloir. Et souvent, quand ils parlaient entre eux du péché de la chair et disaient des paroles qui pouvaient exciter à la volupté quand ils la voyaient et s’approchaient d’elle, ils n’en pouvaient plus parler et soudain, s’arrêtaient leurs transports charnels. J’ai interrogé à ce sujet plusieurs de ceux qui parfois couchèrent la nuit en compagnie de Jeanne et ils me répondaient comme je l’ai dit ajoutant qu’ils n’avaient jamais ressenti  désir charnel au moment où ils la voyaient.… »

Jean de Metz, qui fit le voyage avec elle de Vaucouleurs à Chinon en compagnie de Bertrand de Poulengy, évoqua ces nuits sur la paille d’une grange ou d’une écurie : « En chemin, Bertrand et moi nous couchions chaque nuit tous les deux avec elle et la Pucelle couchait à côté de moi, gardant son pourpoint et ses chausses ; et moi, je la craignais tellement que jamais je n’aurais osé la requérir et je dis par serment que jamais je n’eus envers elle désir ni mouvement charnel… »

La Pucelle veut en découdre avec les Anglais, tout de suite, sans attendre et cette attente lui est insupportable. Jean le Bâtard lui explique : « J’ai donné cet ordre car c’est ce qu’il y avait de plus sage et de plus sûr. » Du haut de ses dix-sept ans, forte de l’autorité que lui confèrent ses voix et Dieu, elle lui réplique : «  Le conseil du Seigneur notre Dieu est plus sage et plus sûr que le vôtre ! Vous avez cru me tromper et c’est vous surtout qui vous trompez car je vous apporte meilleur secours qu’il ne vous est venu d’aucun soldat ou d’aucune cité : c’est le secours du Roi des Cieux ! »

Et toc ! Le bâtard d’Orléans est prévenu : avec Jeanne, ce sera difficile sinon impossible de se faire obéir. 

C’est alors que se produisit une saute de vent, il n’empêche plus les navires de remonter, les vivres peuvent alors entrer en ville avec l’armée de secours et Jeanne se laisse guider. À huit heures du soir, précédée de son étendard blanc à l’image de Notre-Dame, ayant à sa gauche le bâtard d’Orléans et La Hire à sa droite, suivie de ses écuyers, capitaines et gens de guerre, Jeanne, à cheval, fait son entrée en ville. La foule est là qui l’acclame, bourgeois et bourgeoises d’Orléans, hommes, femmes, enfants, porteurs de torches enflammées, tout le monde l’accompagne jusqu’à la porte Regnard, en l’Hôtel de Jacques Boucher, trésorier du duc d’Orléans où elle va loger.

À l’égal des autres capitaines, Jeanne avait un intendant, Jean d’Aulon et deux pages : Louis de Contes et un nommé Raymond qui sera tué au siège de Paris, deux hérauts : Ambleville et Guyenne et une compagnie d’hommes d’armes qui ont une grande confiance en elle, qu’elle exhorte pour qu’ils soient de bons serviteurs de Dieu et que régulièrement, ils confessent leurs péchés. Thibault d’Armagnac, futur bailli de Chartres, a dit d’elle : «  En dehors du fait de la guerre, elle était simple et ignorante, elle ne savait ni lire ni écrire. Mais dans la conduite et la disposition des armées et sur le fait de guerre, pour ranger l’armée en bataille et entraîner les soldats, elle se conduisait comme si elle avait été le capitaine le plus avisé du monde qui ait été toute sa vie “ instruit dans la guerre”. »

Un capitaine qui aurait conservé ses vertus de fille, vivant en bonne catholique avec cette moralité chrétienne qui fut toujours sa ligne de conduite. Ce qui fut confirmé par le duc d’Alençon lui-même : « Jeanne était chaste et détestait les femmes, celles qui suivaient les armées (…) Elle se courrouçait très fort quand elle entendait des soldats jurer et les grondait beaucoup et moi surtout qui jurais de temps à autre. Quand je la voyais, je réfrénais mes jurons. Parfois, dans l’armée, j’ai couché avec Jeanne et les soldats à la “paillade ” et parfois, j’ai vu Jeanne se préparer pour la nuit et parfois je regardais ses seins qui étaient beaux et pourtant je n’ai jamais eu de désir charnel. »

C’est vraiment une femme qui va être opposée aux Anglais !

Le lendemain, samedi 30 avril, on attend et Jeanne est en colère encore une fois.

Alors, elle sort de la ville à la rencontre des Anglais qu’elle va apostropher. Elle les invite à se retirer au nom de Dieu. Elle reçoit des injures en retour. Elle s’adresse à Glasdale, JA.jpegGlasdale

 

leur chef qui se trouve en la bastille des Tournelles. Ce dernier la traite de « vachère », lui disant qu’il la fera brûler. Elle rentre chez elle.

Le lendemain, 1er mai, c’est la trêve du dimanche, elle chevauche en ville accompagnée de chevaliers et écuyers et le peuple est là qui l’admire.

Les deux jours suivants, le lundi et le mardi, il ne se passe rien. On attend le bâtard d’Orléans  parti à Blois chercher des renforts.

Nous allons profiter de ces deux jours d’accalmie alors que Dunois est à Blois et que la Pucelle ne décolère pas entre ses messes dites en les églises de la ville et ses entretiens avec son confesseur, Jean Pasquerel, pour  nous intéresser à cette armée anglaise  qui ceinture la ville.

Le duc de Bedford, le représentant du roi d’Angleterre en France, avait décidé que le moment était venu de forcer la barrière de la Loire et de faire tomber Orléans qui en était, en quelque sorte, le verrou.

L’armée anglaise, forte de 10 000 à 11 000 hommes, ne semblait pas assez nombreuse pour entourer Orléans et barrer complètement la Loire. Les Anglais décidèrent donc de construire plusieurs bastides ou bastions autour de la ville en des points stratégiques qui permettaient d’assiéger Orléans tout en surveillant les intervalles, ces « boulevards », entre les-dites bastides. Chaque bastide était commandée par un des premiers lords d’Angleterre, le commandant en chef Salisbury, le vieux Talbot, et un ennemi juré de la France : William Glasdale, qui injuria copieusement la Pucelle, la traitant de « vachère », de « catin » et de « putain » , si fort qu’elle en pleura ! Ces bastides avaient pour noms : au nord : Londres, Paris, Rouen, face aux portes Bernier et Parisis, à l’ouest : Saint Laurent et Croix Boisée face à la porte Regnard, au sud : Champ Saint-Prive, Saint-Augustin proche des Tournelles, Saint-Jean-Le Blanc et à l’est : la bastide Saint-Loup qui surveillait la porte de Bourgogne, la seule par laquelle on pouvait accéder en ville. 

   

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Orléans

Du haut de ces bastions ou bastides, on dit aussi bastilles, les Anglais injuriaient à qui mieux mieux les défenseurs de la cité et leur envoyaient des boulets de pierre qui n’avaient pas, dieu merci, la précision et le pouvoir de destruction de l’artillerie française.Les canons d’Orléans avaient des noms terribles, l’un d’eux s’appelait « Le Riflard ». Une couleuvrine devint célèbre : celle d’un adroit canonnier lorrain : Maître Jean. Un jour, alors que Glasdale faisait visiter à son chef Salisbury, les Tournelles, en lui disant , lui montrant Orléans : « Seigneur, vous voyez votre ville … » le commandant ne vit rien car un boulet lui ferma l’œil en lui emportant la moitié de la tête. On raconte que le coup fut tiré par un enfant qui remplaçait son père, le canonnier, qui était parti dîner.

D’octobre 1428 à février 1429, le siège se poursuivit avec des fortunes diverses : combats violents pour faire entrer des vivres, temps de pauses, joutes et duels entre les champions des deux armées. Les jours et les mois passaient et l’on pensait bien qu’un jour ou l’autre verrait la victoire anglaise : une ville complètement fermée et le passage rendu libre vers le Poitou, le Berry et le Bourbonnais.

Comme les Français, les Anglais recevaient des vivres. Un jour, sous la conduite du redoutable capitaine anglais John Falstaff, arrivèrent trois cents charrettes de vivres et d’une multitude de barils de harengs. La Hire voulut alors détruire ce convoi, et avec l’aide de ses arbalétriers, il s’opposa aux archers anglais qui défendaient les charrettes.

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 La Hire

Des cavaliers écossais qui combattaient pour les défenseurs d’Orléans, aidés par des gascons du parti des Armagnacs, descendirent de cheval et se ruèrent sur l’escorte anglaise qui fit mieux que se défendre, elle prit l’avantage sur les assaillants et en tuèrent plus de quatre cents. Malgré le courage de La Hire, les Français durent se retirer et se réfugier en ville. La canonnade avait crevé les barils de poissons et les harengs jonchaient le lieu du combat si bien que l’on se souvint de « la bataille des harengs » perdue par les Français ! L’échec de ce combat en démoralisa beaucoup qui quittèrent Orléans que l’on croyait perdue. Le comte de Clermont partit avec presque 2000 hommes. Pour lutter contre la désespérance de tout un peuple, il y eut l’arrivée de Jeanne et enfin, le 4 mai l’armée tant attendue venant de Blois et conduite par Dunois fut annoncée. La Pucelle le reçut dans la ville avec le peuple et les prêtres qui chantaient des hymnes. Du haut de leurs bastilles, les Anglais virent passer ces hommes d’armes guidés par une fille. Puis, tout arriva rapidement.

Alors qu’elle se repose, Jeanne se réveille en sursaut, découvrant qu’on a engagé le combat sans la prévenir. Elle s’arme et part au grand galop vers l’endroit où l’on se bat. Elle croise des blessés qui en reviennent, fuyant  le danger. Dunois qui n’avait pas été prévenu l’a rejointe. Ensemble ils gagnent le lieu du combat. Les Français sont battus, ils reculent, ils cherchent à fuir mais l’arrivée de Jeanne va tout changer. Elle galvanise la troupe.

 

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Jeanne aux Tourelles

Les fuyards retournent se battre. Devant ce changement, les Anglais sont désemparés, ils reculent et Talbot ne peut rien faire, la bastille est prise. C’est la victoire et, au milieu de ce champ de massacre, Jeanne pleure ! Elle pleure en voyant tous ces hommes morts sans confession ! Le combat des harengs est oublié, c’est la revanche des gens d’armes.

Le lendemain, jour de l’Ascension, à nouveau on tint conseil. Sans elle, il fut décidé qu’on attaquerait la bastide de Saint-Jean-Le-Blanc.

Le déroulement de cette journée avec cette décision d’attaquer l’Anglais sans la Pucelle et sans Dunois explique clairement  le pourquoi de la durée du siège d’Orléans. Quand on découvre la liste formidable des capitaines qui se retrouvaient dans la défense de la ville, on ne comprend pas les échecs renouvelés de ces combats. Des « Bataille des Harengs » avec la défaite qui suit, en six mois de siège, il y en eut beaucoup. La Hire, Xaintrailles, Cusan, les Gascons de Saint-Sévère, les Bretons de Gilles de Rais, les valeureux Ecossais en furent les victimes contre leur valeur réelle. Jean le Bâtard manquait d’autorité, il aurait dû diriger leur unité d’actions, mais encore fallait-il que les capitaines lui obéissent. Ils ne pouvaient obéir qu’au roi, mais celui-ci, « Roi de Bourges », était si loin et si faible ! Sans cette unité nécessaire dans la conduite des opérations on ne pouvait vaincre ces Anglais, qui, après tout, n’étaient pas si forts que cela ! Salisbury, leur chef était mort, Talbot était vieux, les Bourguignons de Philippe, qui un moment les avaient aidés étaient partis. Cette  stratégie des bastides les avait divisés. Dans chacune, se trouvaient quelques 500 combattants, isolés des défenseurs des autres bastides ! Ils ne communiquaient pas entre eux.

Donc, au gré de l’humeur du moment, on décidait d’attaquer. C’est ce qui se répéta au lendemain de cette victoire inespérée : sans la Pucelle, on attaqua la bastide de Saint-Jean-Le-Blanc.

Jeanne comprit très vite la manière d’opérer de ces chefs de guerre. On était jour de l’Ascension, alors qu’elle désirait passer la journée en prières, prévenue par Dunois, elle sut que les capitaines avaient décidé l’attaque de la bastide. Le temps de s’armer, de retrouver son cheval, elle courut au combat. Suivant la défaite de la veille, les Anglais décidèrent de se regrouper et de se replier dans deux bastides, celles du sud, les Augustins et les Tournelles. C’est grâce à une manœuvre exécutée par Jeanne et La Hire qui attaquèrent les Anglais se retirant au sein de leur bastide poursuivis par les Français qui les obligeaient à quitter les Augustins pour se réfugier aux Tournelles. Alors quelques capitaines décidèrent d’arrêter le combat et de rentrer en ville. La Pucelle resta  au pied de la bastide anglaise pour recommencer le combat le lendemain.

« Levez-vous demain de bon matin, » leur dit-elle,  « et plus tôt que vous ne l’avez fait aujourd’hui et faites du mieux que vous pouvez : tenez-vous toujours auprès de moi car demain j’aurai beaucoup à faire et plus que je n’eus jamais et demain le sang me sortira du corps au-dessus de mon sein. »

Ce lendemain, c’était le samedi 7 mai. Jean Pasquerel, son confesseur, raconte : « Le lendemain, samedi, je me levai de bon matin et célébrai la messe. Jeanne alla à l’assaut contre la forteresse du pont où était l’Anglais Classidas (…) L’assaut dura du matin jusqu’au coucher du soleil. Dans cet assaut, après déjeuner, Jeanne, comme elle l’avait prédit, fut frappée d’une flèche au-dessus du sein. »

Ainsi, ce qu’elle avait prévu est arrivé. Elle est blessée, une flèche anglaise est venue la frapper entre le col et l’épaule. Elle pleure, retrouvant son état de petite fille. On la soigne avec de l’huile d’olive et du lard. Jean Pasquerel est là, elle se confesse. Peut-être pense-t-elle qu’elle va mourir ? Mais elle se reprend, monte à cheval, et se retire seule dans une vigne. Elle prie pendant la moitié d’un quart d’heure puis, saisissant son étendard, elle se place au bord du fossé. Les Anglais sont terrifiés, preuve de l’emprise qu’elle a sur eux. Ils la croyaient morte. Elle revit. Les Français l’ont vue aussi et donnent l’assaut mais ils sont repoussés …

Jean d’Aulon raconte la suite du combat :

« …Il fut conclu de faire sonner la retraite de l’armée […] En exécutant la retraite, celui qui portait l’étendard et le tenait encore debout devant le boulevard était las et fatigué. Il remit l’étendard à un nommé Le Basque qui était au seigneur de Villars […] Mais lorsque la Pucelle vit son étendard aux mains du Basque [alors] qu’elle croyait l’avoir perdu car celui qui le portait était entré dans le fossé, elle vint et prit l’étendard par le bout, de telle manière qu’il ne le pouvait avoir, en criant : “ Ah ! Mon étendard, mon étendard…” et branlant l’étendard de telle manière que j’imaginais que ce faisant les autres croiraient qu’elle leur fît signe […] à cette occasion, tous ceux de l’armée s’assemblèrent et de nouveau se rallièrent et avec une grande âpreté assaillirent le boulevard qu’en peu de temps le boulevard et la bastide furent par eux pris et abandonnés des ennemis. » Jean Pasquerel, qui suivait Jeanne, poursuit : « Jeanne revint à l’assaut en criant : “ Classidas, Classidas, rends-toi, rends-toi au Roi des Cieux … ” (Elle prononçait : “Clasdas, Clasdas, ren-ti, ren-ti au Roi des Cieux … ”) ” Alors Classidas, armé des pieds à la tête, tomba dans le fleuve de Loire et fut noyé.

Et Jeanne, émue de pitié, commença à pleurer beaucoup sur l’âme de ce Classidas et des autres qui étaient là, noyés en grand nombre. »

Jean d’Aulon commente la journée :

« L’armée et les gens d’Orléans firent grande joie et louèrent Notre-Seigneur de cette belle victoire qu’il leur avait donnée ; et bien leur devaient, car on dit que cet assaut, qui dura depuis le matin jusqu’au soleil couchant, fut tant grandement assailli et défendu que ce fut un des plus beaux faits d’armées qui eût été fait par avant … Tout le clergé et le peuple d’Orléans chantèrent dévotement “ Te Deum laudamus ”  et firent sonner toutes les cloches de la cité, remerciant très humblement Notre-Seigneur pour cette glorieuse consolation divine. Et firent grande joie de toutes parts, donnant merveilleusement louanges à leurs vaillants défenseurs et spécialement sur tous à Jeanne la Pucelle.

Elle demeura cette nuit, et les seigneurs, capitaines et gens d’armes avec elle, sur les champs pour garder les Tournelles aussi vaillamment conquêtées, que pour savoir si les Anglais, du côté de Saint-Laurent, ne sortiraient point, voulant secourir ou venger leurs compagnons. Mais ils n'en avaient nul vouloir … »

Dunois, le bâtard d’Orléans, ajoute : « Donc la bastide fut prise et je revins ainsi que la Pucelle avec les autres Français en la cité d’Orléans, dans laquelle nous fûmes reçus avec de grands transports de joie et de piété. Et Jeanne fut conduite vers son logement pour que sa blessure fût soignée. Une fois les soins donnés par le chirurgien, elle prit son repas, mangeant quatre ou cinq rôties trempées dans du vin mêlé de beaucoup d’eau et ne prit aucune autre nourriture ou boisson pendant tout le jour… »

Le dimanche 8 mai au matin, devant la ville, face à l’armée anglaise rangée en bataille, Jeanne, les capitaines et autres gens de guerre et certains citoyens d’Orléans parmi les plus courageux ou enthousiasmés par les faits glorieux de la Pucelle, sont disposés prêts au combat. Sur l’ordre de Jeanne, ils attendent que l’ordre de l’assaut leur soit donné, soit par l’un ou soit par l’autre, Français comme Anglais. Il se passe une heure avant que les Anglais ne bougent. Sous la conduite de leurs chefs, Suffolk et Talbot, ils lèvent le siège et prennent la route de Meung-sur-Loire.

Depuis le 12 ème jour d’octobre 1428 où ils avaient mis le siège devant la ville, ils abandonnent leurs positions, laissant armes et bagages aux gens d’Orléans, leurs vainqueurs.

Jeanne la Pucelle a rempli sa mission. 

Le dernier Anglais parti, elle rentra en ville avec les seigneurs et les gens d’armes, acclamés par le peuple qui, en compagnie du clergé, rendit grâce à Dieu de leur avoir permis la victoire. On organisa une grande et solennelle procession sous la conduite de l’Évêque d’Orléans, de Dunois, des soldats et chefs de guerre qui entouraient Jeanne. La procession alla aux Augustins, continua autour de la ville puis en l’église N-D de Saint-Paul, puis à Sainte-Croix et à Saint-Aignan et il fut décidé que la procession aurait lieu chaque année, le 8 mai.

Le dauphin, le 10 ème jour de mai, dicta une lettre où il glorifiait le seigneur d’avoir permis à plusieurs reprises le ravitaillement de la ville puis avait guidé tous les gens armés à tuer tous les Anglais. Il terminait sa lettre pour un merci assez discret à la Pucelle.

Fort heureusement, Alain Chartier, le poète que l’on surnomma le Sénéque de la France, qui fut tant admiré de Clément Marot, rendit honneur à Jeanne, en juillet 1429 : «  Voici celle qui ne semble pas issue de quelque lieu sur terre, mais plutôt envoyée du Ciel pour soutenir de la tête et des épaules la France tombée à terre. O vierge étonnante ! Digne de toute gloire, de toute louange, digne de tous les honneurs divins ! Tu es l’honneur du règne, tu es la lumière du lys, tu es la splendeur, la gloire, non seulement de la Gaule mais de tous les chrétiens … »

Le duc de Bretagne envoya à Jeanne un religieux, son confesseur, pour lui demander si ce n’était de par Dieu qu’elle était venue secourir le roi ? On alla même lui demander lequel des trois papes qui se disputaient le pontificat devait être considéré comme le chef de la chrétienté !

Les Capitouls de Toulouse, très embarrassés par l’état de leurs finances, décidèrent d’écrire à la Pucelle, lui demandant quel remède pouvait-on y apporter ? 

On croit rêver !

Les Anglais évidemment furent moins dithyrambiques. Jean, duc de Bedford, écrivit à son neveu le roi d’Angleterre : « Toutes ces choses ont prospéré pour vous jusqu’au temps du siège d’Orléans […] En ce temps, après l’aventure arrivée à la personne de mon cousin de Salisbury, que Dieu absolve, arriva par la main de Dieu, comme il semble, un grand dommage pour vos gens qui étaient là rassemblés en grand nombre ; lequel dommage provint en grande partie, à ce que je pense, par enlacement et fausse croyance et folle crainte qu’ils ont eue d’un disciple et limier du Malin appelé la Pucelle qui a usé de faux enchantements et sorcellerie. »

Même les partisans des Anglais et Bourguignons la mentionnèrent, tel ce  Bourgeois de Paris, dans son Journal, écrit de 1405 à 1449 :

« En ce temps les Armagnacs levèrent le siège d’Orléans d’où ils chassèrent les Anglais […] Cette Pucelle armée les accompagnait partout portant son étendard où était écrit seulement “Jésus ”.   On racontait qu’elle avait dit à un capitaine anglais d’abandonner le siège avec sa troupe sans quoi il ne leur arriverait que mal et honte. Et ce capitaine l’avait beaucoup injuriée, la traitant par exemple de ribaude et de putain. Elle répondit qu’ils partiraient tous rapidement malgré eux, mais qu’il ne serait plus là pour le voir et qu’une grande partie de sa troupe serait tuée. Il en fut ainsi car il se noya le jour de la bataille. »

Une allusion évidente au triste sort de William Glasdale.

Mais la guerre continuait. Les Anglais quittant Orléans avaient pris la route de Meung-sur-Loire avec derrière eux les Français qui les poursuivaient. Dunois, qui commandait à Orléans, avait laissé la direction des opérations au duc d’Alençon. S’étant arrêtés à Jargeau, la troupe anglaise attendait des renforts qui devaient les rejoindre sous le commandement de John Falstaff.

Et, sous l’impulsion de Jeanne, les Français attaquèrent la ville. Voilà ce qu’en dit le duc d’Alençon :

« Pendant l’assaut contre la ville de Jargeau, Jeanne me dit à un moment où je me tenais à une place, que je me retire de cet endroit et que si je ne me retirais, “cette machine”, en me montrant une machine qui était dans la ville, “te tuera” ! Je me retirai et peu après en cet endroit d’où je m’étais retiré quelqu'un fut tué qui s’appelait monseigneur du Lude. Cela me fit grand peur et je m’émerveillais beaucoup des dits de Jeanne après tous ces événements. Ensuite Jeanne alla à l’assaut et moi avec elle. Au moment où les soldats faisaient invasion, le comte de Suffolk fit crier qu’il voulait me parler mais il ne fut pas entendu et l’on termina l’assaut. Jeanne était sur une échelle, tenant en main son étendard. Cet étendard fut percé et elle-même frappée à la tête d’une pierre qui se brisa sur sa chapelure. Elle-même fut jetée à terre et, en se relevant, elle dit aux soldats : “Amis, amis, sus ! Notre Sire a condamné les Anglais, à cette heure, ils sont nôtres, ayez bon cœur ! ” Et, à cet instant, la ville de Jargeau fut prise et les Anglais se retirèrent vers les portes et les Français les poursuivaient et dans la poursuite il en fut tué plus de onze cents. »

Cela se passait le 10 juin 1429. À la suite des Anglais, on se dirigeait vers Meung et Beaugency. Les forces anglaises de Talbot et de Falstaff se retrouvèrent prés de Patay.

Les capitaines d’armes français furent réunis, avec d’Alençon, il y avait Dunois, La Hire, le maréchal de La Fayette et Poton de Xaintrailles.

Voici ce qu’en dit le bâtard d’Orléans :

« Ces Anglais se réunirent en une seule armée de telle sorte que les Français voyaient qu’ils voulaient se présenter en ordre pour combattre. Ils mirent donc leur armée en bataille et s’apprêtèrent à attendre l’assaut des Anglais. Alors, le seigneur duc d’Alençon en présence du seigneur connétable (de Richemond) de moi-même et de plusieurs autres, demanda à Jeanne ce qu’il devait faire. Elle lui répondit à haute voix, en lui disant : “ Ayez tous de bons éperons”. Ce qu’entendant les assistants demandent à Jeanne : “ Que dites-vous ? Est-ce que nous allons leur tourner le dos ? ” Alors Jeanne répondit : «“Non ! Mais ce seront les Anglais qui ne se défendant pas seront vaincus et il nous faudra avoir de bons éperons pour leur courir après ! ” Et il en fut ainsi, ajoute-t-il, car ils prirent la fuite et il y en eut tant, morts que captifs, plus de quatre mille. »

La rencontre avec les Anglais à Patay allait sonner cette grande reconquête française depuis l’arrivée de Jeanne à Orléans. Les deux armées anglaises, celles de Talbot et de Falstaff, étaient réunies, assurées de leurs forces. Talbot voulut surprendre les Français qui arrivaient en poursuivants. Il cacha son armée derrière les haies qui entourent la cité, voulant ainsi surprendre  les Français à leur arrivée en ne leur laissant pas le temps de s’organiser pour la bataille. Ordre fut donné aux Anglais de faire le moins de bruit possible pour que la surprise soit complète. Le plan faillit réussir quand à l’arrivée des troupes françaises, un grand cerf dérangé par ces soldats qui arrivaient, sortit d’un bois voisin fuyant cette armée bruyante et se précipita par-delà les haies pour tomber sur les Anglais. Devant cette charge inattendue, les soldats dérangés dans leurs caches hurlèrent et le bruit fut entendu des troupes armées françaises qui comprirent où se trouvait l’ennemi et chargèrent. Les Anglais reçurent en même temps le cerf et la charge ennemie. Le Seigneur de Talbot fut jeté à terre et fait prisonnier, Falstaff s’enfuit vers Étampes.

Le Bourgeois de Paris dans son Journal évalue à 2000, les pertes du côté anglais, les Français déplorèrent trois morts. Falstaff était en fuite, Talbot prisonnier, l’armée anglaise décimée. La route de Reims était ouverte, Jeanne la Pucelle pouvait accomplir la deuxième étape de sa mission : le sacre du roi de France.

Au soir de cette bataille de Patay, ce 28 juin 1429 qui voyait le triomphe des troupes françaises, Louis de Contes, le page de la Pucelle se tenait auprès d’elle. Il l’a raconté :

« Jeanne pleura sur le champ de bataille, elle pleura en voyant tous ces morts. Elle pleura encore plus en voyant la brutalité d’un soldat et comme il traitait les prisonniers qui ne pouvaient se racheter ; l’un d’eux, fut frappé si rudement à la tête qu’il tomba expirant ; la Pucelle n’y tint pas, elle s’élança de cheval, souleva la tête du pauvre homme, lui fit venir un prêtre, le consola et l’aida à mourir… »

Voilà ce qu’on pouvait découvrir de Jeanne la Pucelle dans cette rencontre avec toute la brutalité guerrière. Avec cette nouvelle vie dans un monde qui n’était pas le sien mais dans lequel elle trouva sa place, elle qui avait dix-sept ans et qui ne savait que coudre, coudre les toiles de lin et filer (“… je ne crains femme de Rouen pour filer et coudre … ”a-t-elle dit à son procès) Et pourtant … Clément de Fauquembergue, greffier du Parlement de  Paris, écrivit dans son registre :

« Mardi, dixième jour de mai, fut rapporté et dit à Paris publiquement que dimanche dernier passé, les gens du dauphin en grand nombre, après plusieurs assauts continuellement entretenus par force d’armes, étaient entrés dedans la bastide que tenait Guillaume Glasdal et autres capitaines et gens d’armes de par le roi, avec la tour de l’issue du pont d’Orléans par-delà la Loire, et que ce jour les autres capitaines et gens d’armes tenant le siège et les bastides par-deçà la Loire devant la ville d’Orléans étaient partis d’icelles bastides et avaient levé leur siège pour aller conforter ledit Glasdal et ses compagnons et pour combattre les ennemis qui avaient en leur compagnie une pucelle seule ayant bannière entre les dits ennemis, si comme on disait. »

En marge de son écrit, il a tracé à la plume un petit croquis auquel on ne saurait d’ailleurs accorder plus d’importance qu’à ces griffonnages dont nous remplissons aujourd’hui les marges de  notre annuaire du téléphone en attendant notre correspondant : il n’avait pas vu Jeanne et ne savait d’elle que ce qu’il nous en dit ; mais ce petit dessin n’en a pas moins eu souvent, à notre époque, les honneurs de la reproduction ; et il le mérite car c’est la seule effigie tracée du vivant de l’héroïne que nous possédions.

Elle se prénommait Jeanne et conserva tout au cours de sa courte vie le surnom de Pucelle qui lui fut donné. Surnom qu’elle conserva malgré la proximité des gens d’armes qu’elle fréquenta et qui la respectèrent. Elle était intelligente, elle comprenait tout et très vite. En autorité elle égalait les grands capitaines comme elle avait subjugué le Dauphin car ce qu’elle disait était vrai, elle était aussi à l’aise avec l’Évêque qu’avec le duc ou le comte, le bâtard d’Orléans, ses pages, son confesseur, ou même Charlotte, la fille de Jacques Boucher le trésorier d’Orléans, avec qui elle partageait la couche.

Au cours de son existence, elle entendit des voix qui la guidèrent. Cette façon d’agir en obéissant aux voix qui lui dictent  ses actions sur terre est bien dans la croyance du Moyen-Âge : tout acte réalisé est fait selon la décision de Dieu.  Dans notre étude du siège d’Orléans nous avons vu que les victoires comme les échecs lui sont attribués : chacun de ses actes a été décidé par Dieu, Notre-Dame, un saint ou une sainte, reste à prouver que les actions de Jeanne étaient un désir divin. Était-elle en état de grâce ? Au cours du procès elle s’en est expliquée :

« Si j’y suis, Dieu m’y garde ; si je n’y suis, Dieu veuille m’y mettre car j’aimerais mieux mourir que de ne pas être en l’amour de Dieu. »

Pendant ces dix jours, au siège d’Orléans, si au début elle semblait gêner l’homme d’armes, je parle des capitaines qui à deux reprises décidèrent une attaque sans la prévenir, l’attitude de ces professionnels de la guerre changea, ils lui demandèrent des conseils, ils obéirent à ses décisions, même les plus difficiles comme celle de reprendre le combat alors qu’on était las et fatigué après une journée d’affrontements dangereux et parfois décevants. Ils s’aperçurent alors que la victoire était au bout. Elle donnait l’exemple, comme le soldat, elle montait aux échelles, ce qui à deux reprises faillit lui coûter la vie. Et quel exemple ! en sept mois de siège, rien n’avait progressé, en dix jours, la victoire était acquise. 

Après le siège, considérant sa tâche réalisée elle aurait pu partir, rejoindre Chinon, mais le Dauphin le voulait-il ? Elle suivit l’armée et l’armée l’a suivie. De victoire en victoire jusqu’au dénouement tragique. Mais n’est-ce pas le lot de tous les êtres exceptionnels ?

De nos jours, Jeanne la Pucelle est-elle d’actualité ? De nombreux ouvrages lui ont été consacrés et des films retraçant plus ou moins bien son parcours ont été réalisés. On peut retenir l’étude de Jules Michelet dans son  Histoire de France   parue en 1840, le travail de Jules Quicherat en 1850, qui a relevé de nombreux documents sur la Pucelle et plus près de nous l’excellent travail de Régine Pernoud aidée de Marie-Véronique Clin, une étude très approfondie publiée en 1986, sur notamment les deux procès, en condamnation et en réhabilitation et le livre de Colette Beaune sur Jeanne d’Arc chez Perrin en 2004.

Pour les films il y en eut beaucoup. Au temps du muet, on retiendra la réalisation de Carl Théodor Dreyer sur  La Passion de Jeanne d’Arc  avec Renée Falconetti, puis plus actuels : en 1948, le film de Victor Flemming avec Ingrid Bergman, une Jeanne bien trop policée, en 1953  Destinées  de Jean Delanoy avec un épisode sur Jeanne la Pucelle interprétée par Michèle Morgan, en 1994 la longue réalisation de Jacques Rivette (plus de cinq heures) en deux époques :  Les batailles et les prisons  avec Sandrine Bonnaire qui, à mon avis, fut une des meilleures interprètes de Jeanne, la seule qui faisait vrai ! En 1999, c’est Luc Besson, plus spécialisé dans la Science Fiction que dans l’Histoire qui nous proposa une Jeanne très énergique – peut-être trop – avec sa petite amie du moment Mila Jojovitch et il y en aura peut-être d’autres car la Pucelle fait toujours recette !

Il nous faut retenir que chaque année, le 8 mai, la ville d’Orléans recrée la procession où Jeanne et les gens d’armes furent acclamés par le peuple. On était en 1429, six siècles plus tard, une jeune fille du lieu, je ne sais si elle est encore pucelle… interprète sur son cheval la fille de Domrémy, parfois, le président de la République du moment vient lui serrer la main,  le général de Gaulle fut l’un d’eux.

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De  Gaulle Président à la fête de Jeanne

Il faut noter quand même  qu’à la suite du procès en réhabilitation où le premier procès la condamnant fut annulé, c’était en 1456, le souvenir de Jeanne fut quelque peu oublié, témoin ce dictionnaire paru en 1771 contenant la description géographique et historique des villes du royaume. On peut y lire, concernant la ville d’Orléans  : « Cette ville a un magnifique pont nouvellement bâti sur la Loire : on voyait sur l’ancien, du côté de la ville, un monument de bronze, élevé en l’honneur de Jeanne d’Arc, vulgairement appelée  La Pucelle d’Orléans. (…) Ce monument de la Pucelle, dû à la piété et à la reconnaissance de Charles VII, représentait la Sainte Vierge au pied de la Croix, tenant sur ses genoux le corps du Sauveur prêt à entrer dans le tombeau ; à droite et à gauche étaient les statues du roi Charles VII  et de la Pucelle, armés et à genoux, le tout en bronze et de grandeur plus que naturelle. »

Et c’est tout, le comment et le pourquoi de la chose était oublié.

Jeanne la Pucelle ne faisait plus recette ! Et il a fallu qu’en 1840, Michelet la ressuscite, lui  consacrant un chapitre entier de son Histoire de France et en 1850, le travail de Jules Quicherat qui remit les études sur Jeanne la Pucelle au goùt du jour. Près de quatre siècles d’oubli, l’Église, qui l’avait condamnée puis réhabilitée, ne fit rien pour la faire renaître.

Celle qui fut la porteuse d’espoir, fut abandonnée de tous. Le roi qu’elle avait fait sacrer,  presque contre sa volonté, ces hommes d’armes, seigneurs et piétaille, qu’elle conduisit à la victoire n’ont rien fait pour la délivrer, il semblerait qu’ils étaient presque heureux de la voir disparaître. Car, comment imaginer la fin d’un tel personnage ? Les guerres terminées, les rois assis sur leur trône, que serait-elle devenue ? Elle se serait mariée, aurait eu des enfants... Cela n’est guère envisageable… Ou bien, forte d’une retraite d’ancienne combattante, dans un beau château, les pieds dans ses pantoufles, elle aurait joué les dames patronnesses, cultivant un lopin de terre dans son jardin. Elle se serait promenée dans son village, et les mères auraient dit à leurs enfants, la montrant du doigt : « Tu vois cette dame ? Elle a sauvé la France », avant d'ajouter: « Elle a bien vieilli »...

Et Dieu et ses saints ? Saint Michel, Sainte Marguerite et Sainte Catherine, qu’ont-ils fait ? 

Comment finir une aussi belle histoire ?

C’est toute la question !

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Jean Luiggi

 

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