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Compte rendu de la séance publique du lundi 8 avril 2024

Réception de Pierre Desvergnes élu comme membre titulaire

au 24ème fauteuil et sa conférence

 

Le Président ouvre la réunion, devant une assistance nombreuse, à 15 heures, en passant la parole au Secrétaire Général qui donne, comme à l’habitude, le calendrier des manifestations culturelles du mois.

Il souligne en particulier le salon du livre qui se tiendra le dimanche 28 avril au Fort, précédé la veille d’une soirée. 

Il signale aussi que l’Institut d’études occitanes célèbrera les 20 et 21 avril le 80e anniversaire de la mort d’Antonin Perbosc, avec une conférence de Norbert Sabatié.

Le Président indique aux membres associés qu’ils pourront retirer le recueil de l’année 2023 s’ils sont à jour de leur cotisation… 

Puis il salue l’arrivée de l’impétrant, Pierre Desvergnes, accompagné de ses parrains, Anne Lasserre et Norbert Sabatié.

Ce dernier commence sa présentation de P Desvergnes par une interpellation : « apprendre vous motive » puis il évoque ses origines quercynoises, plus précisément de la région de Caylus, et son itinéraire professionnel qui l’amènera dans la Sarthe, puis aux Mureaux où il sera conseiller municipal, et en Normandie, où il passera une douzaine d’années, sur les traces d’Alphonse Allais auquel il a consacré une conférence qui a ravi notre Académie le 6 février 2023 (« le Pote Allais »). Il fréquente le comédien Jean Marie Proslier.

Il est revenu dans notre région il y a une quinzaine d’années, assure la présidence de la compagnie des écrivains depuis 2019 et a créé il y a trois ans le salon du livre (dont la prochaine édition, signalée en début de réunion, accueillera Mme Julie Gayet).

« Vous êtes – conclut N Sabatié- un pince sans rire au grand cœur et nous vous accueillons pour le meilleur et pour le rire »

Pierran Desvergnes remercie l’Académie pour son accueil, en particulier ses parrains (et marraine, Anne Lasserre est « plus qu’une fleur, un bouquet ») et fait l’éloge de son prédécesseur au 24e fauteuil, le Docteur Philippe Rollin.

Ce dernier, né à Montauban en 1924, père de cinq enfants, fixé faubourg du Moustiers, qualifié en pédiatrie, fut élu dans notre Académie en 1994 au fauteuil de l’abbé de Vezins.

Il manifesta un gout prononcé pour les archives et nous représenta jusqu’en 2005 à la conférence nationale des académies  

L’impétrant remarque qu’un « modeste infirmier » va siéger à la place d’un éminent médecin dans une compagnie dont une des raisons d’être est « l’encouragement au bien »

Sous le titre « au pied de la lettre » il présente ensuite sa conférence sur les riches échanges épistolaires entre deux très fortes personnalités de notre paysage littéraire et artistique, Marcel Pagnol (1895-1974) et Jules Muraire dit Raimu (1883-1946).

Son exposé est alimenté par de nombreuses citations tirées des lettres que ces deux personnages ont échangées entre 1929 et 1946, échanges marqués par des nombreuses « fâcheries » suivies de réconciliations entre deux hommes qui furent liés par une très forte amitié.

Le contenu de ces échanges, souvent très directs comme on va le voir, a porté sur les rôles confiés à Raimu, sur aussi le montant de ses cachets, et beaucoup sur le distribution des rôles dans les pièces puis les films qu’ils ont fait ensemble

Les lettres citées portent majoritairement sur la trilogie Marius- Fanny- César mais aussi beaucoup sur La Femme du Boulanger. D’autres œuvres sont mentionnées comme Le Schpountz, Topaze et La Fille du Puisatier 

C’est au théâtre Marigny qu’est née en 1929, avec de premiers échanges déjà savoureux, « une amitié pleine de coups de gueule, de rires, de fâcheries et surtout des plus belles pages du cinéma français »

Pagnol, encore inconnu, propose à Raimu de jouer dans Marius mais ce dernier veut jouer le rôle de César et non celui de Panisse, ce qui conduit l’auteur à remanier sa pièce.

On se dispute ensuite sur l’accent des acteurs (« je cherche à défendre ta pièce et à me défendre moi ») mais finalement Pagnol impose Pierre Fresnay.

Enfin, Raimu fait un coup de force et rétablit la fameuse scène de la partie de cartes que Pagnol avait enlevée, à la suite de quoi Pagnol écrira sur la tapisserie de la loge de Raimu : « Raimu est un génie »

« avec Marius – lui écrit ce dernier- tu as écrit la grande comédie du père et du fils, de l’amour paternel et de l’amour filial »

On se dispute lorsque Pagnol veut porter Fanny au cinéma « parlant » : « au cinématographe, écrit Raimu, tout est mort, c’est définitif… sans aucune place pour l’amour du public »

Le troisième volet de la trilogie est porté directement à l’écran, et Raimu veut négocier son cachet à la hausse : dans la négociation, Pagnol utilise un subterfuge en laissant croire à Raimu que le film commence par l’enterrement de César..

Il a fallu convaincre Raimu de jouer dans La Femme du Boulanger : « ce sera un travail de joueurs de boule et d’avaleurs d’apéritif » écrit-il à Pagnol qui lui répond : « mon cher Jules, je te considère comme le premier ou le dernier des imbéciles, cette fois je te le dis, c’est fini… »

On se chamaille beaucoup sur le distribution, ce qui conduit Pagnol à écrire : « je n’ai jamais eu le moindre désir de t’emmerder, même quand tu es emmerdant, ce qui t’arrive quelques fois… »

Dans ce film, les conseils de Raimu tant sur la distribution que sur le tournage sont insistants, ce qui montre bien son haut degré d’implication.

Il écrit à Pagnol : « avec le rôle dans la Femme du Boulanger », tu m’as fait un beau cadeau »

Sur le Schpountz, « tu ne pouvais pas me faire plus plaisir en me faisant comprendre que toi aussi tu avais ri en regardant le Schpountz »(Pagnol)

« Avec toutes tes lettres, tu vas bientôt faire la pige, écrit Pagnol, à Madame de Sévigné, ceci n’est pas un reproche…je lis les belles à tout le monde » mais il écrit aussi : « tu n’as aucun bon sens » 

Dans une autre lettre, Pagnol écrit à Raimu : « si tu fais un navet de plus j’aurai la consolation de n’y être pour rien, sur ce bien affectueusement à toi »

La réplique de Raimu est de la même eau : « mon cher Marcel, je reçois ta lettre sur mon lit car je suis couché avec 80 ventouses, et avec toi ça fait 81…tu es un emmerdeur génial mais un emmerdeur….tu es un auteur de génie mais un très mauvais metteur en scène »

La Comédie Française propose à Raimu de l’engager pour jouer « le bourgeois gentilhomme » : il l’écrit à Pagnol qui lui répond en lui adressant ses condoléances.

Pagnol est présent à la clinique où Raimu doit subir une petite intervention chirurgicale, il le trouve se disputant avec l’infirmière car il veut gouter avant l’intervention une bouteille de whisky qu’on vient de lui offrir. Raimu va à pied au bloc opératoire, commande à son épouse un steak et des frites. Il ne se réveillera pas.

« Que Jules ne soit plus là me fait de la peine pas seulement parce que je l’aimais mais parce que je n’arrêtais pas de me disputer avec lui »

« ton génie fait partie du patrimoine de la France » M Pagnol

Le Président lève la séance vers 18h30