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CONFÉRENCE "LE GÉNIE DU POTE ALLAIS" (6 février 2023)

par Pierre DESVERGNES (membre associé)

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Monsieur le Président, Madame la Vice-Présidente, chers amis bonjour.

Merci à l’Académie pour m’avoir invité à présenter Alphonse Allais.

 

Je vais vous conter une aventure qui m’est arrivée à Honfleur il y a quelques années.

Ce soir-là il est tard et je marche d’un pas décidé vers le vieux port non loin duquel j’ai garé ma voiture.

Il bruine sur la cité endormie. Cette pluie fine a ciré les pavés disjoints. Ils sont lustrés par les derniers nuages, cotons du Bon Dieu, poussés par une risée qui vient se réchauffer sous mon manteau, ils brillent sous la lune. Ainsi dans la magie d’une nuit normande, les petites flaques deviennent pépites d’or.

Je me dirige vers la lieutenance lorsqu’à l’angle de la place Hamelin et de la rue des Logettes, je suis interpellé par un chat avec un gros nez rouge.

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ABSINTHE : C’est bien gentil tout ça mais Moi Absinthe, une sorte de Chat-pitre et un peu magicien, je me sens le mieux habilité à évoquer mon défunt maître. Alors Pierann si tu le veux bien je vais t’emmener dans le monde fumiste et moderne d’Alphonse Allais. Voici une sacoche contenant les originaux de l’œuvre du grand Alphi. Fais-en bon usage !

Bonne nuit…et bon vent...

C’est ainsi que, grâce à ces documents, j’ai pu construire les propos de ce jour.

 

Point n’est besoin de s’attarder sur la biographie d’Alphonse Allais (le grand Alphi), cela a déjà été fait de nombreuses fois.

«Parce qu’il faut bien naître quelque part», l’humoriste Allais naît à Honfleur, place Hamelin, deux étages au-dessus de l’officine paternelle, par un bel après-midi d’automne le 20 octobre1854 à Honfleur (Calvados)

Enfant à Honfleur, entre l'école et la pharmacie paternelle, étudiant à Paris, familier du Chat Noir et de la faune de Montmartre, chroniqueur, nouvelliste, inventeur de l'humour moderne, Alphonse Allais a toujours eu le goût de la farce, qu'il a poussée jusqu'au génie. Il reste de lui l'image d'un homme à l'humour acide, à l'esprit irrévérencieux et farceur spécialiste de la théorie de l'absurde.

Apprenti potard à la pharmacie de son père il s’amusait des clients. Par exemple : il changeait l’étiquette des flacons «à usage externe» en «à usage extrême» ou se promenait dans l’officine avec une éponge qu’il avait trempée dans du liquide rouge sang et faisait croire à un cœur encore chaud

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Voici Honfleur joli port du calvados et son vieux bassin. Il présente le taux de salinité le plus fort d’Europe car il a le fond salé.

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La pharmacie où est né Alphonse place Hamelin s’appelle désormais «Passe Océan». En effet Paul Demarais a acheté la pharmacie à un certain Landais qui lui-même l’avait achetée aux père d’Alphonse. Il inventa un médicament contre le mal de mer lors des traversées Honfleur - Le Havre : Le passe Océan.

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Le vieux bassin est le lieu prisé des peintres du Dimanche et autres jours disponibles pour eux. Allais, grand adepte de la peinture, farceur, préconisa « l'aquarelle faite avec de l’eau de mer de l’océan, qui se gondole à l’époque des grandes marées». Il est l’auteur de sept œuvres immortelles, que le monde entier nous envie, puisqu’elles symbolisent la base de la révolution picturale du vingtième siècle.

En 1882, Paul Bilhaud, auteur de comédies-vaudevilles de chansons de café-concert expose dans un cadre doré, un tableau à la manière noire:

‘Combat de nègres dans un tunnel’

L'histoire de la peinture ne fait que recommencer.

Alphonse Allais le prouve en publiant chez Ollendorf, le 1er avril 1897 (jour oblige) : ‘L'Album primo-avrilesque’

C'est une petite brochure à l'italienne de 28 pages au format 19x13. En belle page et au recto seulement sont imprimées sept monochromes encadrées de vignettes, successivement : noir, bleu, vert, jaune, rouge, gris et blanc.

L'album est préfacé par l'auteur (lui-même) :

Voici cette préface :  c'était en 18 ... (ça ne nous rajeunit pas, tout cela.)

Amené à Paris par un mien oncle, en récompense d'un troisième accessit d'instruction religieuse brillamment enlevé sur de redoutables concurrents, j'eus l'occasion de voir, avant qu'il ne partît pour l'Amérique, enlevé à coups de dollars, le célèbre tableau à la manière noire, intitulé :

COMBAT DE NEGRES DANS UNE CAVE, PENDANT LA NUIT

L'impression que je ressentis à la vue de ce passionnant chef-d'œuvre ne saurait relever d'aucune description.

Ma destinée m'apparut brusquement en lettres de flammes.

Et moi aussi je serai peintre ! m'écriai-je en français (j'ignorais alors la langue italienne, en laquelle d'ailleurs je n'ai, depuis, fait aucun progrès).

Et quand je disais, j'entendais : je ne voulais pas parler des peintres à la façon dont on les entend le plus généralement, de ridicules artisans qui ont besoin de mille couleurs différentes pour exprimer leurs pénibles conceptions.

Non !

Le peintre en qui je m'idéalisais, c'était celui génial à qui suffit pour une toile une couleur : l'artiste, oserai-je dire, monochroïdal.

Après vingt ans de travail opiniâtre, d'insondables déboires et de luttes acharnées, je pus enfin exposer une première œuvre :

PREMIERE COMMUNION DE JEUNES FILLES CHLOROTIQUES PAR UN TEMPS DE NEIGE

Une seule Exposition m'avait offert son hospitalité, celle des Arts incohérents, organisée par un nommé Jules Lévy, à qui, pour cet acte de belle indépendance artistique et ce parfait détachement de toute coterie, j'ai voué une reconnaissance quasi durable.

Si j'ajoutais un mot à ces dires, ce serait un mot de trop.

Mon OEUVRE parlera pour moi !

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COMBAT DE NÈGRES DANS UNE CAVE, PENDANT LA NUIT

(Reproduction du célèbre tableau)

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STUPEUR DE JEUNES RECRUES APERCEVANT POUR LA PREMIÈRE FOIS TON AZUR, O MEDITÉRRANÉE !

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DES SOUTENEURS, ENCORE DANS LA FORCE DE L'ÂGE ET LE VENTRE DANS L'HERBE, BOIVENT DE L'ABSINTHE

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MANIPULATION DE L'OCRE PAR DES COCUS ICTÉRIQUES

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RÉCOLTE DE LA TOMATE PAR DES CARDINAUX APOPLECTIQUES AU BORD DE LA MER ROUGE (Effet d'aurore boréale.)

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RONDE DE POCHARDS DANS LE BROUILLARD

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PREMIÈRE COMMUNION DE JEUNES FILLES CHLOROTIQUES PAR UN TEMPS DE NEIGE

Alphonse Allais composa aussi une MARCHE FUNÈBRE

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PRÉFACE de cette œuvre :

L'AUTEUR de cette Marche funèbre s'est inspiré, dans sa composition, ce que, accepté par tout le monde, les grandes douleurs sont muettes.

Les grandes douleurs, étant muettes, les exécutants devront uniquement s’occuper à compter des mesures, lieu de se livrer à ce tapage indécent qui retire tout caractère auguste aux meilleures obsèques.

Parmi tous les contes écrits par Alphonse Allais en voici 2 :

LA BELLE INCONNUE

Il descendait le boulevard Malesherbes, les mains dans ses poches, l'esprit ailleurs, loin, loin (et peut-être même nulle part), quand, un peu avant d'arriver à Saint-Augustin, il croisa une femme.

(Une jeune femme dont la description importe peu ici. Imaginez-la l'instar de celle que vous préférez et vous abonderez dans notre sens.)

Machinalement, il salua cette personne.

Mais elle, soit qu’elle n'eut point reconnu notre ami, soit qu’elle n'eut point remarqué son salut, continua sa route sans marque extérieure de courtoisie réciproque.

Et pourtant, se disait-il, il l'avait vue quelque part, cette bonne femme-la, mais ou diable ! et dans quelles conditions ?

En tout cas, insistait-il a part lui, c'était une bien jolie fille. Avec laquelle on ne devait pas s'embêter. Au bout de vingt pas, n‘y pouvant tenir, obsédé, il rebroussa chemin et la suivit.

De dos aussi, il la reconnut.

Où diable l'avait-il déjà vue, et dans quelles conditions ?

La jeune femme remonta le boulevard Malesherbes jusqu'a la jonction de cette artère avec l'avenue de Villiers. Elle prit l’avenue de Villiers et marcha jusqu'au square Trafalgar.

Elle tourna a droite.

Et lui, la suivant toujours, se disait :

— C'est drôle, j'ai l'air de rentrer chez moi.

Avec tout ca, il ne se rappelait encore pas ou diable il l'avait déjà vue, cette jeune femme, et dans quelles conditions.

Arrivée devant le n° 21 de la rue Albert Tartempion, la dame entra.

Ca, par exemple, c'était trop fort. La voilà qui pénétrait dans sa propre maison.

Elle prit l'ascenseur. Lui, quatre a quatre, grimpa l'escalier.

L'ascenseur stoppa au quatrième étage, son étage I Et la dame, au lieu de sonner, tira une clef de sa poche et ouvrit la porte.

Quelque élégante cambrioleuse sans doute.

Lui, ne faisait qu'un bond.

- Tiens, dit la belle inconnue, tu rentres bien tôt, ce soir !

Et seulement a ce moment il se rappela ou, diable ! il l'avait vue, cette jeune personne et dans quelles conditions.

C'était sa femme.

COMME LES AUTRES

La petite Madeleine Bastye eut été la plus exquise des jeunes femmes de son siècle, sans la fâcheuse tendance qu'elle avait à tromper ses amants avec d'autres hommes, pour un oui, pour un non, parfois même pour ni oui ni non (de Lenclos). Au moment où commence ce récit, son amant était un excellent garçon nommé Jean Passe (de la maison Jean Passe et Desmeilleurs).

Un brave cœur que ce Jean Passe et, disons-le tout de suite, l'honneur du commerce parisien. Et puis, il aimait tant sa petite Madeleine !

La première fois que Madeleine trompa Jean, Jean dit à Madeleine :

- Pourquoi m'as-tu trompe avec cet homme ?

- Parce qu'il est beau ! répondit Madeleine.

- Bon ! grommela Jean.

Toute-puissance de l'amour! Irrésistibilité du vouloir ! Quand Jean rentra, le soir, il était transfiguré et si beau que l'archange saint Michel eut semblé, près de lui, un vilain pou.

La deuxième fois que Madeleine trompa Jean, Jean dit à Madeleine :

- Pourquoi m'as-tu trompé avec cet homme ?

- Parce qu'il est riche ! répondit Madeleine.

- Bon ! grommela Jean.

Et, dans la journée, Jean inventa un procédé permettant, avec une main-d’œuvre insignifiante, de transformer le crottin de cheval en peluche mauve.

Les Américains se disputèrent son brevet à coups de dollars, et même d'eagles (L'eagle est une pièce d'or américaine qui vaut 20 dollars. A l'heure qu'il est, l'eagle représente exactement 104,30 francs de notre monnaie).

La troisième fois que Madeleine trompa Jean, Jean dit à Madeleine :

- Pourquoi m'as-tu trompé avec cet homme ?

- Parce qu'il est rigolo ! répondit Madeleine.

- Bon ! grommela Jean.

Et il se dirigea vers la librairie Flammarion, ou il acheta "Pas de Bile", le dernier volume de notre sympathique collaborateur Alphonse Allais. Il lut, relut ce livre, véritablement unique, et s'en imprégna tant et si bien que Madeleine faillit trépasser de rire dans la nuit.

La quatrième fois que Madeleine trompa Jean, Jean dit à Madeleine :

- Pourquoi m'as-tu trompé avec cet homme ?

- Ah !... voila ! répondit Madeleine.

Et de drôles de lueurs s'allumaient dans les petits yeux de Madeleine. Jean comprit et grommela : Bon !

Je regrette vivement que le journal ne soit pas un organe pornographique, car j‘ai comme une idée que le lecteur ne s'ennuierait pas au récit de ce que fit Jean.

La cinquième fois que Madeleine trompa Jean. . . Ah ! Zut !

La onze cent quatorzième fois que Madeleine trompa Jean, Jean dit à Madeleine :

- Pourquoi m'as-tu trompé avec cet homme ‘.

- Parce que c'est un assassin, répondit Madeleine.

- Bon ! grommela Jean.

Et Jean tua Madeleine.

Ce fut à peu près vers cette époque que Madeleine perdit l'habitude de tromper Jean.

 

Alphonse Allais s’est aussi commis dans la poésie et les fables express…

LE CHATIMENT DE LA CUISSON APPLIQUÉ AUX IMPOSTEURS

 
Chaque fois que les gens découvrent son mensonge,
Le châtiment lui vient, par la colère accru.
« Je suis cuit, je suis cuit ! » gémit-il comme en songe
Le menteur n'est jamais cru.

 

Un jeune enfant, sur son pot, s'efforçait.
Moralité : le petit poussait.

Devenu mari d'une exécrable rosse,
Il la tua dès le réveil
Au lendemain de son absurde noce.
Moralité : la nuit porte conseil.

 

Si Paulette Darty d’un garçon était mère
Et si le fils de Paulette Darty
Le 12 juillet trépassait, ô douleur amère !
Et si deux jours après il était enseveli
Sur la tombe on mettrait une croi(provisoire)
Avec cette inscription noire :
Feu Darty fils, du 14 juillet
 

Tamerlan, conquérant farouche,
Dans un combat fit vingt captifs.
Il les fit empaler tout vif.
On n'dit pas si c'est par la bouche.
Moralité : malheur aux vaincus

A défaut d’être «» (p.a.n) il fut «penseur» (p.e.n)

 LES PENSÉES

La pensée Allaisienne !

Alphonse Allais a écrit plus que Victor Hugo. 1680 contes rédigés en 25 ans. Sa production se disperse dans huit journaux différents ayant pour nom : «tintamarre, «les hydropathes», «Anti-Concierge», «Le Courrier français», «Tout Paris», «Mirliton», le célèbre «Noir» et bien sûr «sourire» dont il garda la direction jusqu’à sa mort. Voici un petit florilège des pensées d’Alphonse :

Une jolie femme sotte bien habillée, c'est une belle bouteille vide parée d'une superbe étiquette.

Les ours sont blancs parce que ce sont de vieux ours. Tous les ours du monde viennent vieillir et mourir doucement dans les régions arctiques. De sorte qu'on aurait le droit d'appeler ce pays: "l'Arctique de la mort".

Les familles, l'été venu, se dirigent vers la mer en y emmenant leurs enfants, dans l'espoir, souvent déçu, de noyer les plus laids

On devrait construire les villes à la campagne, l’air y est plus pur.

Le café est un breuvage qui fait dormir quand on n'en prend pas.

Quand on ne travaillera plus le lendemain des jours de repos, la fatigue sera vaincue.

Il vaut mieux être cocu que veuf. Il y a moins de formalités.

Il ne faut jamais faire de projets, surtout en ce qui concerne l'avenir.

La statistique a démontré que la mortalité dans l'armée augmente sensiblement en temps de guerre.

C'est quand on serre une dame de trop près... qu'elle trouve qu'on va trop loin.

La mer est salée parce qu'il y a des morues dedans. Et si elle ne déborde pas, c'est parce que la providence, dans sa sagesse, y a placé aussi des éponges

La femme est le chef-d’œuvre de Dieu, surtout quand elle a le diable au corps.

Plus les galets ont roulé, plus ils sont polis. Pour les cochers, c’est le contraire.

La misère a cela de bon qu’elle supprime la crainte des voleurs.

 

Complainte amoureuse

 

Oui dès l'instant que je vous vis

Beauté féroce, vous me plûtes

De l'amour qu'en vos yeux je pris

Sur-le-champ vous vous aperçûtes

Mais de quel air froid vous reçûtes

Tous les soins que pour vous je pris !

Combien de soupirs je rendis !

De quelle cruauté vous fûtes !

Et quel profond dédain vous eûtes

Pour les vœux que je vous offris !

En vain, je priai, je gémis,

Dans votre dureté vous sûtes

Mépriser tout ce que je fis ;

Même un jour je vous écrivis

Un billet tendre que vous lûtes

Et je ne sais comment vous pûtes,

De sang-froid voir ce que je mis.

Ah ! Fallait-il que je vous visse

Fallait-il que vous me plussiez

Qu'ingénument je vous le dise

Qu'avec orgueil vous vous tussiez

Fallait-il que je vous aimasse

Que vous me désespérassiez

Et qu'enfin je m’opiniâtrasse

Et que je vous idolâtrasse

Pour que vous m'assassinassiez

 

LES PENSÉES suite

 

Le comble de la distraction: le matin en se réveillant ne pas penser à ouvrir les yeux.

Sept villes se disputaient l’honneur d’avoir vu naître Homère: Argos, Athènes, Chio, Colophon, Rhodes, Salamos et Smyrne.

- N’oubliez cependant pas la plus célèbre de toutes dit Allais.

- Je regrette, il n’y en a que sept et non huit.

- Huit, car la voix populaire a consacré Allaure comme la huitième. Ne dit-on pas Homère d’Allaure ?

Dieu a agi sagement en plaçant la naissance avant la mort, sans cela que saurait-on de la vie ?

L’homme ne tue pas seulement pour manger, il boit aussi.

Un paresseux est un homme qui ne fait pas semblant de travailler.

Dieu n’a pas fait d’aliments bleus. Il a voulu réserver l’azur pour le firmament et les yeux de certaines femmes.

Les jambes permettent aux hommes de marcher et aux femmes de faire leur chemin.

Avoir des enfants n’est pas à la portée de toutes les bourses.

L’argent aide à supporter la pauvreté.

Une fois qu’on a passé les bornes il n’y a plus de limites.

La logique mène à tout à condition d’en sortir.

L’avantage des médecins c’est que lorsqu’ils commettent une erreur, ils l’enterrent tout de suite.

Un gentleman est un monsieur qui se sert d’une pince à sucre même lorsqu’il est seul.

On n’insistera jamais assez sur les inconvénients que présente l’abus du cyanure de potassium dans l’alimentation des nouveau-nés.

Non la stérilité n’est pas héréditaire.

Il était Normand par sa mère et Breton par un ami de son père.

Une chose facile à avoir en décembre c’est du sang-froid.

Le tic-tac des horloges on dirait des souris qui grignotent le temps.

Mes appointements? Je ne vais quand même pas déranger le pluriel pour si peu de choses.

La lune est pleine et on ne sait pas qui l’a mise dans cet état.

Il y a des moments où l’absence d’ogre se fait cruellement sentir.

Je me suis toujours demandé si les gauchers passaient l’arme à droite.

Puisque les impôts ont une assiette, pourquoi mangent-ils dans la nôtre ?

Ah l’éternel féminin, comme disait le monsieur dont la belle-mère n’en finissait pas de mourir.

LES INVENTIONS

 

Alphonse Allais est l'auteur, moins connu, de travaux scientifiques: recherches sur la photographie couleur, dépôt d'un brevet le café lyophilisé, travaux très poussés sur la synthèse du caoutchouc.

C'est en effet Alphonse Allais, qui a découvert dès 1881 le café soluble lyophilisé dont il a déposé le brevet le 7 mars 1881 sous le numéro n°141530, bien avant donc que Nestlé, grâce son chimiste alimentaire Max Morgenthaler(de), le reprenne en 1935 et lance le Nescafé.

Voici une liste des inventions du grand Alphi qu’il attribuera toujours au Captain Cap :

L’appareil à détacher la moutarde des parois du pot de moutarde

L’appareil pour extraire les plumes des porte-plume

L’éventail mécanique à pédale

Les plantes grimpantes pour monter le courrier dans les étages

Les chapeaux lumineux

Le porte-plume-crayon-lunette

La muselière en baudruche pour empêcher les escargots de baver dans la salade.

Le recyclage des vieux confetti

Une méthode pour stériliser l'eau en donnant un bon petit "chaud et froid"aux microbes, dont ils se relèvent rarement.

Les obus chargés de poil à gratter

La récupération des énergies perdues, tel le mouvement oscillatoire du bras gauche chez les troupes en marche

L'institut de formation des souffleurs pour spectacle de pantomime

Les chaussures ventilées

Le cache-poussière pour sous-marin

La casserole carrée pour empêcher le lait de tourner

L'aquarium en verre dépoli pour poisson timides

Les balayeuses municipales à papier buvard pour assécher les rues après la pluie

Les prairies verticales pour que les girafes ne se baissent plus pour paître.

Enfin une invention proposée au président du Conseil municipal de Paris pour l’ouverture de l’exposition universelle de 1900.

«Installation, place de la concorde, d’une pendule si immense, qu’on pourrait, au besoin, se servir de l’Obélisque comme balancier.

Ainsi toutes les nations réunies à Paris dans ces joutes du travail et de la peine, pourront enfin entendre sonner l’heure de la Concorde»

Il est grand temps que je vous fasse visiter le petit musée Alphonse Allais au-dessus de la pharmacie. On y accède par un escalier dérobé fabriqué par un «en l’air» et il a mal tourné. Vous allez découvrir des objets extraordinaires. Les grands musées se divisent en salles, celui-ci se divise en étagères.

On voit sur cette photo au premier plan l’appareil enregistreur, compteur et dateur d’œufs avec inscrit dessus la date de naissance de notre Ami.

 

L’APPAREIL ENREGISTREUR, COMPTEUR ET DATEUR D’ OEUFS

Chaque poule exerçant son industrie sur le territoire de la République française sera munie, à son orifice postérieur, d’un appareil enregistreur, compteur et dateur.

Cet appareil, très simple, en somme, se compose d'un mouvement d’horlogerie dormant les dates et les heures, d'un rouleau encreur et d'un timbre dateur. Le tout pèse 68 grammes et 99 centigrammes.

Le gouvernement, alors, s’arrogera le monopole des œufs comme il a déjà celui du tabac et des allumettes.

Alors, plus de duperie, plus de fraude...

L’AMIDON TRICOLORE POUR LES DRAPEAUX, LES 14 JUILLET SANS VENT.

 

LES TIMBRES POSTE PHARMACEUTIQUES

 

<< La poste est en évolution constante. Citons d'abord les perfectionnements apportés dans la confection de la colle des timbre-poste. Jusqu’à présent, cette colle était constituée par de la gomme arabique, substance insipide et quelque peu ridicule. Dorénavant, la gomme arabique sera additionnée d’une légère quantité de sucre et aromatisée à des parfums divers, vanille, fraise, citron, etc., selon le prix du timbre ; ainsi le timbre d’un centime simplement édulcoré avec de la réglisse, de

l’économique réglisse. Mieux encore : Diverses substances hygiéniques et même pharmaceutiques seront incorporées dans la colle du timbre et permettront à maint employé de la grande administration de suivre un traitement sans manquer son bureau.

À la liste de ces drogues vient d'être définitivement arrêtée par une commission spéciale de médecins présidée par un praticien dont nul ne songera, je crois, à discuter la haute compétence : j’ai nommé le Dr Pelet.

Nous aurons des timbres au baume de tolu pour ceux qui toussent, d’autres au bicarbonate de soude pour les gastralgiques, à la digitale pour les cardiaques, etc., etc.

Messieurs les pharmaciens ne seront pas contents. Je le regrette pour eux ; mais citez -moi, je vous prie, un progrès quelconque qui ne fasse des victimes. La dépense entrainée par toute cette droguerie philatéliste sera simplement compensée par un accroissement notable dans le chiffre d’ affaires.

Quels parents - pour ne citer que cet exemple - hésiteront à pousser leur jeune fille chlorotique dans la voie d’une correspondance effrénée, quand ils sauront que, grâce aux timbres ferrugineux, la santé est au bout et que, bientôt, la chère enfant verra refleurir sur ses pauvres petites joues pales les vives couleurs d’antan ? >>

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VOICI LE PHILTRE POUR AUTEUR ET SES ACCESSOIRES. PHILTRE POUR AVOIR UN STYLE D’UNE PARFAITE LIMPIDITÉ.

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LES BOULETTES DE MIEL ET DE BISMUTH POUR CONSTIPER LES MOUCHES.

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VOICI UN AUTHENTIQUE MORCEAU DE LA FAUSSE CROIX DU CHRIST

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SUR CETTE ÉTAGÈRE TRÔNE UNE TASSE AVEC L’ANSE À GAUCHE DE L’EMPEREUR MING QUI ÉTAIT GAUCHER

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LA CLYSOPOMPE À HYDROPATHES POUR RENDRE IMPURE L’EAU POTABLE

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DANS CETTE BOITE DES BOULES DE COTON NOIR POUR LES OREILLES DES PERSONNES EN DEUIL.

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LE PILON QUI REND MARTEAU

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UNE DES PIÈCES MAÎTRESSE : LE CRÂNE DE VOLTAIRE ENFANT.

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UN FLACON D’EAU INFESTÉE DU BACILLE HILARANT

 

Deux dernières ingéniosités d’Alphonse Allais :

L’ASCENSEUR DU PEUPLE

Avec l’assentiment du propriétaire, il suffit d’installer à une fenêtre un appareil assez semblable à celui dont on se sert pour tirer l'eau du puits : une forte poulie, une solide corde, et, aux bouts de la solide corde, deux robustes paniers pouvant contenir chacun une personne.

Le soir, épuisé, l’Homme posté dans la cour de son immeuble donne un coup de sifflet ! Une fenêtre s’ouvre, au bout d’une corde, un panier descend jusqu’au sol. L'homme s’installe dans le panier.

Second coup de sifflet ! C’est alors au tour de son épouse d'enjamber le balcon et de s’installer dans l’autre panier.

Comme le poids de la dame est inférieur à celui du monsieur, il ne se passe rien tant que l’ainé des garçons n’a pas ajouté à sa maman un poids supplémentaire.

Ce poids est représenté par une lourde pendule Empire, qui suffit à rompre l'équi1ibre.

Des lors, le panier descend, cependant que monte celui du monsieur.

Ce dernier peut ainsi regagner son appartement sans la moindre fatigue.

La femme n’a plus qu’à remonter les six étages par l’escalier, tenant dans ses bras la pendule Empire, à laquelle elle doit faire bien attention, car son mari y tient énormément.

 

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NOUVELLE METHODE POUR LA PECHE

LE COUP DE LA POELE A FRIRE

Sur une manière de petit radeau de bois, installer une poêle à frire à moitié remplie d’huile d’olive laquelle est aromatisée d’une goutte d’huile d’aspic. Très friands de ce parfum, les poissons accourent (si j’ose m’exprimer ainsi) autour de la poêle, s’enhardissent bientôt et, finalement, bondissent dans l’huile où ils trouvent la mort, trépas d'autant plus rapide que le bonhomme n’hésite pas à transporter son récipient sur un feu relativement assez vif.

LA PECHE A LA MONTRE

 

Ce sport se pratique la nuit.

Vous prenez une de ces montres si fort à la mode depuis quelque temps et dont le cadran (grâce au sulfure de zinc) est lumineux par les plus épaisses ténèbres.

Cette montre, vous la mettez au fond d’un grand sac et vous immergez le tout dans votre rivière, en ayant soin de tenir à la main la corde qui s’attache au sac.

Les poissons, fort curieux de leur nature, ne tardent point à s’approcher et à pénétrer dans le sac pour voir l'heure qu'il est.

Quand le sac est à peu près plein, ce que vous sentez à la traction de la ficelle, vous tirez à vous et vous allez chez les riches particulières, leur demander si elles n’auraient pas besoin de beau poisson aujourd’hui, et pas cher, ma bonne dame.

Recommandation importante : essuyez immédiatement votre montre, dont les rouages sont bien connus pour s’accommoder mal des fluviaux séjours.

Je terminerai par une révélation dont l'importance n’échappera à nul de ceux dans la poitrine desquels bat un cœur de vrai pécheur.

Un bonhomme a réussi à apprivoiser le brochet et à le dresser aussi bien que n’importe quel chien de chasse. Grâce à lui, le brochet va devenir le faucon des rivières, de même que le faucon sauvage est le brochet des airs. C’est ainsi qu’à force de patience l‘homme arrive à asservir la nature entière et, de ses anciens ennemis, faire de fidèles serviteurs.

Le 27 octobre 1905 Alphonse Allais dit à un de ses amis : «je serai mort! Vous trouvez ça drôle, mais moi je ne ris pas. De main, je serai mort!». Il mourut le 28 octobre 1905 à 9 h 16 à Paris à l’hôtel Britannia 24 rue d’Amsterdam d’une embolie pulmonaire consécutive à une phlébite.

Il est enterré au cimetière parisien de Saint-Ouen.

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, en 1944, une bombe de la Royal Air Force   pulvérise sa tombe. Ses cendres ’’ sont transférées à Montmartre en 2005.

Un des poèmes préféré d’Alphonse Allais et signé de Bruant.

 

Fantaisie triste

I‘ bruinait... L'temps était gris,

On n'voyait pus l'ciel... L'atmosphère,

Semblant suer au d'ssus d'Paris,

Tombait en bué' su' la terre.

I‘ soufflait quéqu‘chose... on n‘sait d‘où,

C'était ni du vent ni d'1a bise,

Ca glissait entre l'col et l'cou

Et ça glaçait sous not’ chemise.

Nous marchions d‘vant nous, dans l’brouillard,

On distinguait des gens maussades,

Nous, nous suivions un corbillard

Emportant l'un d'nos camarades.

Bon Dieu ! qu'ça faisait froid dans l'dos !

Et pis c'est qu'on n'allait pas vite ;

La moell' se figeait dans les os,

Ça puait l’rhume et la bronchite.

Dans l'air y avait pas un moineau,

Pas un pinson, pas un' colombe,

Le long des pierr' i‘ coulait d'l'eau,

Et ces pierr's-là... c'était sa tombe.

Et je m'disais, pensant à lui

Qu' j'avais vu rire au mois d'septembre

Bon Dieu ! qu'il aura froid c'tte nuit !

C'est triste d'm0urir en décembre.

J 'ai toujours aimé l’bourguignon,

I’ m’ sourit chaqu' fois qu' i’ s'allume ;

J‘ voudrais pas avoir le guignon

D’ m'en aller par un jour de brume.

Quand on s'est connu l' teint vermeil,

Riant, chantant, vidant son verre,

On aim‘ ben un rayon d'soleil...

Le jour ousqu' on vous porte en terre.

Dernier hommage ces deux épitaphes :

Pour conclure voici   une mise à jour :

Dernier hommage ces deux épitaphes :

 

 CI-GIT ALLAIS et ALLAIS SANS RETOUR

 

 

 

Monsieur BARRÉ ayant vendu la pharmacie du Passe Océan, le petit musée Alphonse Allais a été fermé en septembre 2018.

Heureusement Mr Lamarre, maire d’Honfleur a proposé un local dans le centre historique d’Honfleur. Ce nouvel espace a été inauguré en octobre 2019. Vous trouverez les coordonnées sur internet.

 

Où Alphonse Allait nous irons !


Je vous remercie.

Pierre DESVERGNES